En immersion dans une voiture du Tour

Coureur professionnel pendant quelques années, Paul Moucheraud est aujourd’hui directeur technique d’un centre ESF (école du ski français) à Val-Thorens. En parallèle, le natif de Charenton est aussi pilote « invités » pour Skoda, partenaire majeur du Tour de France. Immersion dans sa voiture, lors de la cinquième étape entre Pau et Laruns.

Le jour se lève à peine près d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques) mais notre voiture, une Skoda Superb édition (L&K), est déjà prête. Seuls quelques détails trahissent l’utilisation exceptionnelle de cette berline haut de gamme. En plus de l’écran de bord, une grande tablette trône au milieu, j’apprendrai très vite qu’elle permet de suivre l’étape à la télévision. Un talkie-walkie est planqué dans le vide-poche conducteur et une radio spéciale installée côté passager. Cette voiture est réservée à la presse et possède son propre pilote : Paul Mourechaud.

Ancien coureur cycliste chez AG2R et Roubaix Métropole, le natif de Charenton-le-Pont participe à son sixième Tour de France en tant que conducteur Skoda. En ce mercredi 5 juillet, l’heure est à la première étape de montagne pour les coureurs du Tour de France. Pour les pilotes comme Paul mais aussi Mathieu Perget, Pedro Horrillo, Tomas Vaitkus ou encore Staf Scheirlinckx, il est aussi temps de revoir les dernières consignes de sécurité d’ASO, l’organisateur de la Grande Boucle. Avec ce profil atypique, il n’est pas question de mettre en danger le peloton – les prioritaires de la course – ni les autres véhicules et encore moins le public. « C’est très strict, confie l’ancien baroudeur. Ça ne plaisante pas. Nous pouvons recevoir des avertissements, des amendes voire des exclusions temporaires ou définitives. Dans le jargon, on dit « BTM » pour « Bagages-Train-Maison ». En clair c’est un retour à domicile, sans discuter et tu ne reviens plus jamais de ta vie. » Le roadbook (livre de route) est aussi gardé précieusement afin de se remémorer le tracé du jour. Tout est chronométré à la minute près.

Départ de la course

Vers 13h00, place à la dernière étape avant de débuter cette journée : passer le contrôle alcoolémie réalisé aléatoirement par des policiers. Une tolérance zéro est pratiquée. Notre voiture s’infiltre dans le cortège. En plus des véhicules médias, nous devons cohabiter avec les gendarmes, les voitures de directeurs sportifs, les voitures assistance, les commissaires, les régulateurs, la voiture médicale et les véhicules de secours, les voitures de l’organisation… Chacun connaît son rôle dans ce vaste ballet et les règles qui en découlent. C’est précisément pour cette raison que les pilotes sont généralement des anciens coureurs cyclistes.

« En tant qu’anciens du cyclisme, nous connaissons le comportement du peloton ou des échappées, assure Paul Moucheraud. Nous savons ce qu’ils vont faire et avec quelle marge de sécurité nous pouvons rouler sans les gêner ni les favoriser. Il faut toujours avoir les yeux partout. Nous avons une formation avant chaque Tour pour nous remettre dans le bain et revoir nos réflexes. » Le rythme est déjà soutenu alors que nous filons vers la première difficulté du jour : le Col de Soudet. En l’espace de quelques kilomètres, nous perdons sept degrés. La visibilité s’en ressent également mais notre vitesse reste élevée malgré la route sinueuse. « Il faut garder à l’esprit que le peloton ne nous attend pas et qu’il roule à vive allure » rappelle le fils de Maurice Moucheraud, ancien coureur et champion olympique par équipes à Melbourne en 1956. Si la montée des cols se fait à belle vitesse, la descente est encore plus rapide. Aérodynamisme oblige, un vélo va plus vite qu’une voiture en descente, encore plus lors des virages. Tout en maitrise, notre pilote enchaîne les lacets, parfois à très haute vitesse. Les pneus crissent mais assurent notre tenue de route.

Remontée des coureurs

Après un pique-nique rapide, Paul Moucheraud reprend le volant en rappelant qu’il « ne faut pas traîner pour rester près du peloton. » Il a visé juste. Le premier col a déjà fait des dégâts. En remontant le fil des voitures, nous nous plaçons derrière Olivier Le Gac (Groupama-FDJ) et Laurent Pichon (Arkéa-Samsic). Les deux Bretons échangent avec tranquillité. En dépassant, quasiment tous les coureurs ont un mot gentil à notre attention, ou au moins un signe de la tête. « Est-ce qu’on les met dans le coffre ? », demande notre pilote. L’expression signifie placer la voiture juste devant un ou plusieurs coureurs dans le but de les protéger du vent et ainsi, les faire remonter la course sans trop d’efforts. Évidemment, la pratique a ses limites et ses règles, une fois encore.

Les coups de frein sont légion, tout comme les accélérations, même lorsque la langue de bitume se rétrécit. Près de Lourdios-Ichère, nous suivons avec appétence la montée puis la descente de Neilson Powless (EFE), le porteur du maillot à pois. Comme nous, les trajectoires sont prises à la corde. Notre compteur monte parfois à 90 voire 95 km/h. Lors de l’ascension de la dernière difficulté du jour, le Col de Marie-Blanque, le public s’est massé aux abords de la route pour assister aux derniers coups de pédale des courageux. Fumigènes, cris, danses et compagnie font partie du folklore de la course. « C’est toujours un plaisir d’être sur le Tour de France, même en tant que pilote, reconnaît Paul. Il y a une ferveur incroyable. » Le temps de descendre, Radio Tour annonce la victoire de Jai Hindley.

Source : Sports.fr

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