« Je me suis trompée, je veux rentrer à la maison » : la difficile arrivée des jeunes sportifs ultramarins dans l’Hexagone

Faute de structures adaptées, les sportifs ultramarins sont souvent contraints d’arriver très jeunes dans l’Hexagone. Ils racontent la difficulté de s’adapter et la solidarité qui se met en place pour survivre dans un monde ultraconcurrentiel. Des sportifs à la carrière déjà établie lancent des associations pour les accompagner.

Ce ne sont pas les témoignages qui manquent pour exprimer les difficultés d’adaptation des jeunes sportifs ultramarins qui débarquent dans l’Hexagone pour parfaire leurs compétences sportives. Faute de structures adaptées dans leur territoire d’origine, des dizaines de jeunes sportifs atterrissent chaque année dans les Pôles espoir de l’Hexagone.

Montpellier accueille par exemple le pôle espoir de gymnastique rythmique. Depuis l’année dernière, la Réunionnaise Mayline Jourdan, 12 ans, s’y entraîne pour espérer rejoindre l’équipe de France, et réaliser son rêve olympique. « J’ai quand même mes parents et ma sœur avec moi ici, donc ça va. L’année dernière, la première année, il fallait s’habituer au rythme. Il faut toujours garder en tête ce pourquoi on a commencé, pourquoi on fait ça et ça se passe très bien ».

Mais tous les parents n’ont pas la possibilité de déménager avec leur enfant. Marie-José Pérec est arrivée à 17 ans à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, l’Insep, à Paris. À son époque, les appels en visio n’existaient pas encore. Elle n’avait que quelques minutes de téléphone par jour pour joindre sa Guadeloupe natale : « Je n’avais pas beaucoup d’argent. Quand on mettait les pièces dans la cabine téléphonique, ça descendait très vite. Le temps de verser une larme et de dire : ‘Je me suis trompée, je veux rentrer à la maison, trouvez-moi un billet’. Mais on n’avait pas assez d’argent. » Malgré les difficultés, Marie-José Pérec s’est accrochée. Elle a vu ses camarades rentrer, mais a fini par devenir l’une des sportives françaises les plus titrées de l’Histoire.

La Guadeloupéenne Marie-José Pérec après sa victoire aux 400 m aux Jeux Olympiques de Barcelone, le 5 août 1992. • ©STF / AFP

Le champion du monde de foot en 1998, Lilian Thuram, parle lui aussi de déracinement. « Parfois les gens ne se rendent pas compte tout ce qu’il y a derrière les victoires et les défaites », raconte-t-il aujourd’hui.

Pour pallier les problématiques liées à l’insularité, à la précarité et à l’éloignement que connaissent la plupart des jeunes contraints de se déplacer, le fleurettiste Enzo Lefort et sa sœur, Emmy, lancent « Le premier rebond ». Cette association a pour objectif d’aider des jeunes ultramarins à poursuivre leur carrière dans l’Hexagone. « On va travailler sous forme de promotion, précise le champion de fleuret guadeloupéen. Chaque année, on va aider plusieurs jeunes, financièrement et humainement. » Chaque lauréat recevra des bourses pour se procurer du matériel spécifique ou financer des compétitions ou des déplacements. « On veut aussi créer un mentorat avec des sportifs ultramarins qui ont réussi pour qu’il y ait un échange, pouvoir partager nos expériences avec les jeunes. » Si les candidatures n’ont ouvert que pour quatre places en Guadeloupe pour cette première sélection, le champion espère pouvoir se développer et aller plus loin.

L’Insep met aussi désormais tout en œuvre pour que les jeunes qui débarquent à Paris ne se sentent pas seuls. Sébastien Le Garrec est chef du pôle médical de la structure. « Il y a une certaine solidarité entre eux, c’est assez marquant », constate le médecin du sport, spécialiste de la natation, qui côtoie le Calédonien Maxime Grousset. « Lorsqu’ils arrivent, ils sont rarement seuls. Ils ont déjà connaissance des athlètes de leur discipline ou d’autres disciplines. On sait le déracinement que ça peut être, l’éloignement avec la famille, ainsi, on est un peu plus attentifs à leur bien-être. Mais je dirais que globalement ça se passe bien pour tout le monde. »

Enzo Lefort n’est pas le seul à vouloir aider une nouvelle génération de sportifs issus des territoires d’Outre-mer qui espèrent se hisser parmi les meilleurs de leur discipline. Toute une ancienne bande de footballeurs ultramarins s’est rassemblée derrière le champion du monde martiniquais Raphaël Varane pour fonder l’association Team Outre-mer. Olivier Dacourt, champion du monde, Guadeloupéen, en est l’un des vice-présidents : « Le sport a ses valeurs universelles de solidarité et de fraternité. On a tous fait des sacrifices pour arriver là où nous sommes arrivés. Quand on est ensemble, on est plus fort et on va plus loin ! », justifie-t-il. L’association promeut, entre autres, l’organisation de stages de foot aux Antilles, en Guyane, à Mayotte et à la Réunion.

Malia Metella sur le podium aux JO d’Athènes • ©Beau comme une image

Malgré les difficultés, la Guyanaise Malia Metella est devenue vice-championne olympique de 50 m nage libre en 2004 à Athènes. Quinze ans après la fin de sa carrière, elle est fière d’avoir tenu bon dans les moments difficiles : « Beaucoup ont réussi, beaucoup nous rapportent des médailles et ça, c’est encore plus fort. C’est beau de se dire qu’ils ont eu cette force pour pouvoir aller chercher au fond d’eux-mêmes et montrer cette fierté qu’ils n’ont pas quitté leur territoire pour rien. » Dans une centaine de jours, à Paris, les sacrifices de nombreux sportifs ultramarins seront, une nouvelle fois peut-être, récompensés. 

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Source : NC la 1ère

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