Nowicki-Lanceleur, une histoire de Gigawatt

Le duo mixte a trusté la plus haute marche du podium toutes catégories des 30 km ces deux dernières années. Une première depuis 1995. Leslie Nowicki et Ludovic Lanceleur se confient sur leur collaboration et ce trail cher à leurs yeux. La 26e édition est prévue le 2 août. 
 

Entre bonheur et crainte

 

Un départ emblématique depuis 1995.

Un départ emblématique depuis 1995. ©C. Favennec

Plus d’un millier de coureurs, défilant le long des 615 mètres du barrage de Yaté, l’aménagement hydroélectrique d’Enercal. L’image se répète chaque année ou presque. En 2005, le compteur s’est même rapproché de la barre assez incroyable des 2000 inscrits. Dans le calendrier des trails, la Gigawatt est à cocher, et dans l’esprit des concurrents, même les plus attendus, la course peut créer des tourments. 
« Souvent, j’ai du mal à dormir la nuit précédente. C’est une épreuve que j’appréhende ». Double tenante du titre sur la distance phare, Leslie Nowicki n’est jamais sereine avant de mettre les deux pieds dans la prise de la Gigawatt, sur la terre rouge du Sud. « Il faut de l’exigence du début à la fin. C’est une course difficile. La particularité, c’est qu’elle se court complètement à découvert. Il n’y pas de zones ombragées, et s’il fait chaud, c’est très dur. Il ne faut ni oublier de boire, ni de manger. Toujours prêter attention à son partenaire, prendre des nouvelles pour ne pas mettre l’autre dans le rouge ». Une vigilance à conserver jusqu’au terme.  » La dernière côte est la partie où tout peut se gagner. Si on arrive déjà complètement oxydés à ce moment-là, c’est la fin des espoirs. Je dirais que la partie roulante des dix premiers kilomètres est aussi décisive. Il faut partir très vite, et garder une allure en sachant que deux belles bosses arrivent ensuite, dans les vingt kilomètres suivants. Il ne faut pas relâcher, et relancer à chaque fois « .   
 

Un cadre de course exceptionnel.

Un cadre de course exceptionnel. ©C. Favennec

Il y a trois ans, Leslie a fait équipe avec Ludovic Lanceleur pour relever un challenge. « On voulait gagner devant des équipes masculines, et la barre était assez haute. Si on avait choisi de courir avec nos coéquipiers habituels en unisexe hommes et dames, sans minimiser nos adversaires, on avait de bonnes chances de l’emporter. Se mettre en position difficile, c’est une motivation importante. Un plus gros objectif » souligne l’ancien coureur cycliste professionnel, reconverti en trailer. La première année de leur association d’ailleurs, la paire ne s’était pas montrée la plus rapide sur les 30 kilomètres, devancée de plus de quatre minutes par Alexy Dianoux et Nordine Benfodda. Terminer premiers du classement scratch (toutes catégories) était loin d’être acquis. 
 

Battu en 2017, le duo s'est offert la première place des deux dernières éditions du 30 kms.

Battu en 2017, le duo s’est offert la première place des deux dernières éditions du 30 kms. ©C.Favennec

Une équipe mixte bat les meilleurs binômes messieurs

Le duo parvient pourtant à ses fins en 2018. Il abaisse son chrono de douze minutes pour terminer les 30 kilomètres en 2 heures 30 minutes et 38 secondes, à 12 kilomètre/heure de moyenne. Les premiers poursuivants, Castille et Samanich, franchissent la ligne huit minutes plus tard. L’année suivante, rebelote. Victoire dans un temps presque identique, à 7 secondes près. Tout s’est joué en fin de parcours face à la paire Cochereau/Denis.
« Depuis la première Gigawatt, qu’une équipe mixte gagne devant un binôme masculin, cela ne s’était jamais vu. D’autant que les équipes hommes sont fortes. Individuellement, plusieurs concurrents messieurs sont classés devant moi dans les trails. Pour moi, c’était tout juste inespéré de pouvoir remporter cette épreuve une première fois. Alors deux fois, c’était l’apothéose ».
 

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Une fierté pour Leslie.  » De pouvoir gagner en mixte, c’est plaisant et cela donne certainement l’envie à d’autres femmes de s’y mettre. Ce n’est pas un sport réservé aux hommes. Elles sont de plus en plus à s’y mettre, et c’est bien. S’inscrire en mixte, c’est à faire. Ce n’est pas une histoire de niveau. Il faut juste bien connaître son partenaire. Que ce soit homme/femme, homme/homme ou femme/femme, la complicité fera la différence. Si elle n’est pas présente au départ, ça peut être très pénalisant « .  Sentiment partagé par Ludovic :  « on s’est bien trouvé. On partage le même esprit de compétition, une complicité. Je sais que quelle que soit l’issue d’une course, Leslie aura fait son maximum. C’est une guerrière ».

Repousser ses limites et ses peurs, ensemble

 
Pour toucher le graal, cette entente a dû être travaillée avec persévérance et confiance. « Notre premier entraînement ensemble, c’était dans la perspective de la Transcalédonienne en équipe de trois, avec Oswald Cochereau. Leslie avait des réticences. Elle pensait qu’elle se cramerait à nos côtés. Elle avait envoyé un message la veille de notre séance prévue à Dumbéa pour nous faire part de ses doutes. Mais le but, c’est de prendre soin de notre coéquipière, on se plie en quatre, on cherche à équilibrer les forces, explique « Ludo ». Toute association implique des sacrifices, un surplus d’efforts. A l’aide d’une sangle qui les relie, il doit la tirer dans les montées et sur le plat pour maintenir le rythme le plus élevé possible. Dans les descentes, elle prend la tête et peut se laisser aller, avec son allié derrière elle pour la retenir. Chacun donne son meilleur. Cela doit rester à l’esprit. 
 » Il a un côté apaisant, réconfortant. Il ne me met pas la pression en disant : je suis plus fort que toi, tu n’as pas intérêt à lâcher. Le but, c’est de ne pas se faire mal, se dépasser ensemble et se faire plaisir. C’est pour ça que j’adore courir avec lui. On est sur la même longueur d’onde. Il est peut-être plus compétition que moi, mais on se rejoint bien sur l’idée de faire attention à l’autre, sans se prendre la tête, en sachant que si l’un de nous est moins bien, on sera là pour lui « .
 

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Une Gigawatt 2020 encore historique ?

Le 2 août prochain, les deux trailers seront à nouveau au départ de la Gigawatt pour les 30 kilomètres. En cas de nouveau succès, Ludovic Lanceleur rentrera encore un peu plus dans l’histoire de l’épreuve avec une cinquième victoire. Il devancerait Eric Becker, titré quatre fois (avec Cacot en 1995, Théfo en 1996 et 1997, et Battie en 2005), et Pascal Friant, sacré chaque année de 1998 à 2000 avec Léonard Aubou, puis en 2001 aux côtés de Didier Foord.  » Ce serait super. Il l’a gagné en mixte et en duo masculin (NDLR : en compagnie de Cochereau en 2013 puis Leclercq en 2016). Ce serait un nouveau record pour lui, un de plus, comme il en a déjà beaucoup à son actif, réagit Leslie. Pas d’excès de confiance pour autant. Leurs rivaux, rappelle t’elle, ont eu la malchance de connaître des défaillances physiques ces dernières années.  » Est-ce que ça compte pour moi de gagner une cinquième fois ? Complètement, répond l’intéressé. On grave son nom au palmarès d’une course importante, parmi les doyennes du territoire. C’est toujours le même parcours, les participants peuvent comparer leurs performances d’une année à l’autre, et chercher à les améliorer « . 
Mais celui qui ne se départit jamais de son sourire a un rêve encore plus grand : participer et tenter de remporter la Coast to Coast 2021 en équipe de trois, avec deux femmes dont bien sûr Leslie Nowicki. Et dire qu’il détestait courir, lorsqu’il était encore cycliste.  » Pour moi, c’était synonyme d’avoir mal aux genoux, mal au dos. Je détestais même la marche. Quand je suis redescendu cycliste amateur, j’ai du trouver un travail, et je n’avais plus de temps pour le sport, sauf le soir. C’est comme ça que je me suis mis à la course à pied « . Bien lui en a pris. 

Source : NC la 1ère

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