Infographies. Le nombre de Calédoniens mis sous tutelle en hausse

Depuis 2014, la gestion des tutelles relève de la compétence de la Nouvelle-Calédonie. Plusieurs milliers de personnes majeures bénéficient d’une mesure de protection juridique. La province Sud compte, à elle seule, 1 820 bénéficiaires. Ce sont deux associations qui sont chargées de défendre leurs intérêts.

Joanna Robin (Coralie Cochin) • Publié le 21 avril 2023 à 12h05, mis à jour le 21 avril 2023 à 12h08

Le grand âge, la maladie, le handicap, les accidents de la vie… Les causes susceptibles d’altérer la capacité des personnes à préserver leurs intérêts sont multiples. Selon leur état de santé et leur degré d’autonomie, une mise sous tutelle peut être demandée par l’entourage. Sur les trois provinces, l’Association pour la gestion des tutelles (AGTNC) est amenée à prendre en charge 864 mesures de protection, sous l’autorité du juge des tutelles. L’autre association habilitée par les autorités est l’ACSMS (Association de coopération sociale et médico-sociale) dont le champ d’action se limite au secteur de Nouméa et du Grand Nouméa.

A l’AGTNC, Vanessa Wuille est l’une des dix-sept mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Sa profession est peu connue. Pourtant, depuis deux ans, elle a, à elle seule, la responsabilité d’une cinquantaine de personnes. Elle intervient en grande partie sur la gestion de leur budget. Chaque mois, il faut assurer la bonne tenue des comptes, car c’est le mandataire judiciaire qui perçoit les ressources et règle les dépenses.

« Souvent, ils touchent l’allocation handicap. Ce que je fais, c’est que je définis leur budget mensuel après déduction de toutes leurs charges, comme les factures. Lorsqu’il reste des économies, c’est la personne qui décide ce qu’elle en fait, si elle veut que je les lui donne. »

Ma responsabilité, c’est de payer les charges et de ne pas créer d’impayés. 

Vanessa Wuille, mandataire judiciaire à l’AGTNC

 

Au-delà de la gestion budgétaire et patrimoniale, la frontière est mince entre les missions juridique et sociale. Les mandataires judiciaires se doivent également de maintenir la sécurité et le bien-être des personnes protégées.

« Ces personnes sont souvent isolées socialement, la famille n’est pas aidante ou n’est pas en capacité d’aider. Le souci, c’est qu’on sort fréquemment de notre cadre de mission parce que c’est difficile de laisser une personne dans ces situations. »

Des situations parfois précaires, comme celle que connaît Mélanie. A 53 ans, elle vit dans un squat à Nouméa avec son compagnon et ses vingt-deux chiens. Depuis la mise en œuvre de la tutelle, il y a deux ans, l’AGTNC l’a aidée à bénéficier des aides sociales.

L’urgence, aujourd’hui, est de lui assurer un relogement car une menace d’expulsion de la mairie pèse sur elle. La quinquagénaire a conscience de l’opportunité que lui apporte ce soutien. « Vanessa a fait beaucoup pour moi, je vais l’écouter et trouver un autre terrain. »

Originaire de Hienghène, Mélanie a quitté le Nord et ne peut compter sur sa famille. Néanmoins, lorsque le jugement est prononcé, le tuteur est choisi prioritairement parmi les proches de la personne à protéger, conformément à la loi du 5 mars 2007, en vigueur en Calédonie : « La protection d’une personne vulnérable est d’abord un devoir des familles, et subsidiairement une charge confiée à la collectivité publique. »

Juridiquement, seule la personne elle-même, sa famille ou le procureur de la République sont habilités à faire appel à la mise en œuvre d’une mesure de protection. Les services sociaux ou les médecins peuvent adresser un signalement.

La majorité des requêtes en province Sud sont déposées par les enfants ou les conjoints et, dans certains cas, par les majeurs eux-mêmes. « Souvent parce qu’ils ont été aidés ou poussés par des intervenants sociaux, précise Benoît Lhuisset, juge des tutelles en province Sud. Le procureur de la République intervient moins régulièrement. Toutefois, il y a une hausse du nombre de dossiers d’isolement social et familial complet dans le cadre duquel il doit se substituer aux proches. »

L’activité de l’AGTNC augmente d’année en année. Cette tendance à la hausse s’explique par une meilleure connaissance du dispositif et par le vieillissement de la population, selon Benoît Lhuisset. Même si le nombre de majeurs protégés tend à se stabiliser depuis trois ans, 138 nouvelles mesures se sont ajoutées en 2022.

Le faible écart de ces dernières années s’explique par le nombre de mandats arrivés à terme, soit par main levée du juge des tutelles, ou à la suite du décès de la personne. Toutefois, la charge de travail des mandataires judiciaires ne faiblit pas.

« Ces cent personnes demandent un peu plus de travail, car le mandataire doit mener une enquête sur la vie du majeur dès l’ouverture de la mesure, indique Françoise Wayaridri-Kaviereneva, directrice de l’AGTNC. L’enquête va déterminer quels sont ses besoins, s’il a des dettes… Une fois qu’on a décelé tous les paramètres, à charge pour nous d’y apporter des solutions. »

Depuis le début de l’année, en province Sud, le juge des tutelles, Benoît Lhuisset, a formalisé pas moins de 95 jugements de mesures, nouvelles et renouvelées. Elles concernent pour moitié une prise en charge par l’une des associations, mais également par des familles.

En moyenne, un mandat dure cinq ou dix ans, renouvelables. Toutefois, le juge des tutelles en province Sud, note une grande majorité de mesures de longue durée, celles « qui suivent les personnes une vie durant »

L’altération des facultés mentales est, de loin, la cause majoritaire d’ouverture de mesures de protection.

La tutelle et la curatelle renforcée sont les deux mesures de protection les plus prononcées. Actuellement, l’AGTNC gère 370 tutelles et 465 curatelles. « Les tutelles concernent principalement des personnes atteintes de troubles cognitifs et des personnes vieillissantes ou porteuses de déficiences conséquentes. Quant aux curatelles, il s’agit de personnes souffrant de déficiences légères accompagnées de carences socio-économiques ou pour suivre des pathologies psychiatriques naissantes ou stabilisées », détaille Benoit Lhuisset.

Les majeurs sous curatelle conservent une certaine autonomie. Ils sont considérés comme aptes à agir en pleine conscience, sans passer par l’action du mandataire judiciaire. Seuls les actes relevant de leur patrimoine, jugés plus importants, tels que la vente d’un bien immobilier, requièrent conseil ou assistance.

Mon but, c’est vraiment de préserver cette autonomie

Vanessa Wuille, mandataire judiciaire à l’AGTNC

Mais cette démarche vers plus d’autonomie « demande plus de temps », reconnaît Vanessa Wuille. « Je veux qu’ils comprennent, qu’ils puissent faire leurs démarches de la vie courante. La curatelle me demande plus de temps et d’investissement, puisque c’est un travail que je vais faire avec la personne. Alors qu’en tutelle c’est un travail que je vais souvent faire toute seule, avec l’accord du juge si nécessaire. »

Car c’est bien là un des principaux enjeux de la mission de l’AGTNC : favoriser, autant que possible, l’indépendance des personnes dont elle a la charge.

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Source : NC la 1ère

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